vendredi 7 février 2025
Transformer son harmonica diatonique en harmonica chromatique - Quelques pistes
Quand on commence à jouer d’un instrument de musique, même si on privilégie tel ou tel style musical, on a malgré tout envie de pouvoir jouer tout ce qui nous passe par la tête. De pouvoir faire plaisir à des proches en leur jouant leurs morceaux préférés, tous genres confondus… Quelle frustration quand l’harmoniciste débutant découvre que son harmonica diatonique, même de bonne facture, ne permet d’obtenir au départ que 18 des 36 notes composant la gamme chromatique sur trois octaves ! Et quelle bonne nouvelle quand ce même harmoniciste débutant apprend que, contrairement à de nombreux instruments réellement diatoniques (comme le whistle, la majorité des flûtes asiatiques et bien d’autres instruments), l’harmonica diatonique rend possible un jeu complètement chromatique grâce au développement de techniques permettant d’obtenir toutes les notes manquantes ! Car c’est un fait : contrairement à l’harmonica trémolo, réellement diatonique, l’harmonica dit diatonique a considérablement élargi ses capacités. Il n’y a pas à dire : l’harmonica diatonique est un instrument extraordinaire ! Aucun instrument au monde n’a à la fois aussi peu changé sur le plan physique et autant évolué en termes de techniques de jeu. Pour atteindre le chromatisme parfait, la flûte traversière s’est dotée de clefs et la trompette de pistons, mais l’harmonica diatonique, lui, a surtout bénéficié de la persévérance d’instrumentistes ayant développé de nouvelles techniques de jeu depuis l’entre-deux-guerres jusqu’à nos jours. Néanmoins, ces techniques de jeu exigeant plus de travail que les notes naturelles, les fabricants ont également répondu à la demande de certains instrumentistes en élaborant quelques modèles permettant l’obtention totale ou partielle de la gamme chromatique sur trois octaves. Dans la suite du présent article, nous verrons de plus près quatre types d’harmonica diatonique en étudiant leurs forces et faiblesses dans le cadre d’une approche chromatique du diatonique. Tous les exemples seront donnés à partir d’instruments accordés en do.
Accordage standard (Richter) : C’est l‘accordage le plus courant. Le chromatisme s’acquiert par la combinaison de plusieurs techniques : les notes naturelles, les altérations (aspirées et soufflées) et les overnotes (soufflées ou overblows et aspirées ou overdraws). Ce sont des techniques qui exigent beaucoup de travail : il faut d’abord travailler l’obtention des notes, puis leur inclusion dans le discours musical de la manière la plus fluide et naturelle possible. Si on ne joue qu'avec un seul harmonica, on sera confronté à des combinaisons plus heureuses que d'autres, mais on peut élargir son approche en jouant de manière chromatique sur plusieurs instruments. Dès lors, l'instrument sera choisi en fonction des combinaisons impliquées par tel ou tel morceau. Cette recherche est absolument passionnante et permet de faire sonner chaque morceau selon son choix.
Accordage country (lydien) : Cet accordage est très proche de l’accordage précédent. En fait, il ne s’en différencie que par l’augmentation d’un demi-ton de la lame aspirée n° 5. L’avantage est de pouvoir jouer en note naturelle, par exemple, la tierce majeure ou la sensible de la tonalité majeure dont la tonique se trouve en 1 ou 2 aspirée. De la même manière, cela rend moins utile l’overblow du trou 5 soufflé (même s’il est possible et même souhaitable quand on veut « glisser » du mi au fa dièse) et cela ajoute une altération aspirée en -5’ pour obtenir le fa naturel. Quand cette note bécarrisée est « accidentelle », l’expressivité de cette altération aspirée est particulièrement bienvenue.
Accordage augmenté (abéun) : Cet accordage peut être déconcertant au départ, car la disposition des notes sur l’instrument est assez différente de celle de l’accordage standard. Ici, on considère que chaque trou permet d’obtenir quatre notes (deux notes naturelles et deux altérations aspirées). Une octave se répartie uniformément entre trois trous. Nous avons donc à disposition trois octaves et une tierce mineure. Comme sur un harmonica chromatique, les trois octaves se jouent de la même manière (il n’y a pas l’inversion à partir du trou 7 caractéristique de l’accordage standard). L’avantage réside dans le fait qu’on obtient toutes les notes grâce à l’alternance de deux techniques : les notes naturelles et les altérations aspirées (position de langue entre les positions bêta et alpha pour l’altération la plus grave et entre les positions alpha et gamma pour l’altération la plus aiguë, si on reprend les positions de langue décrites par Sébastien Charlier dans son Guide complet de l'altération). Il y a quatre accordages différents, quatre instruments suffisent donc à jouer toutes les combinaisons sonores: mi, lab ou do; fa la do#; solb, sib ou ré; sol, si ou mib. L’inconvénient est que l’accordage peut paraître (au moins pendant quelque temps) moins propre à l’improvisation, les notes les plus aigus sont assez difficiles à bien altérer en aspirant sur un harmonica en do et, par ailleurs, certains effets sont difficilement réalisables (double stops, glissandos). Par ailleurs, seuls deux accords augmentés sont possibles, C aug en soufflant et G aug en aspirant, ce qui n’est pas facile à placer dans la grande majorité des morceaux. Enfin, seul Seydel permet la configuration de cet accordage sur ses instruments d'usine. Pour l'obtenir avec des lames Hohner, il faudrait faire appel à un artisan.
Accordage standard semi-valvé (système PT Gazell) : Sur le papier, l’idée peut paraître excellente : rendre possibles les altérations là où elles sont normalement impossibles (soufflées dans les graves et aspirées dans les aigus) par l’installation de valves sur les lames concernées. Et cela sans changer la construction de base de l’instrument (voir schéma de l’accordage Richter). Mais en pratique, cela ne fonctionne pas aussi bien qu’on pourrait l’espérer. Même après réglage et avec beaucoup de travail, les notes obtenues grâce aux valves manquent de stabilité et même de volume. Pour des notes de passage, cela peut passer (disons que c’est mieux que rien), mais ce système ne rend pas l’instrument véritablement chromatique. Je n’en ferai pas de démonstration, car le résultat obtenu n’est vraiment pas satisfaisant, mais on peut trouver quelques démonstrations de PT Gazell sur YouTube. On y constate que même l’inventeur de ce système choisit ses phrasés en fonction de l’accordage, ce qui met clairement en question le caractère « chromatique » de l’instrument, puisqu’il faut adapter son discours musical à la faisabilité des notes qui le composent.
Pour illustrer les explications ci-dessus, je vous invite à écouter les deux comparaisons que j’ai enregistrées spécialement pour cette occasion.
Conclusion : Si on part du principe que le meilleur accordage est celui avec lequel l’instrumentiste se sent le plus à l’aise, les instruments présentés dans le présent article permettent de jouer chromatiquement de l’harmonica diatonique. Cependant, aucun d’entre eux ne transforme réellement l’harmonica diatonique en harmonica chromatique, car le jeu impliquera l’utilisation de deux à quatre techniques différentes et donc la production de timbres distincts contrastant avec l’homogénéité (certains diront même l’uniformité) de l’harmonica chromatique. Dès lors, l’enjeu pour le diatonicien sera de choisir pour chaque morceau l’instrument qui permettra de tirer le meilleur parti de la richesse des timbres produits en accord avec la fonction des notes dans le phrasé (degrés fondamentaux, tensions, résolutions, etc.). C’est ce qui rend cet instrument si expressif et passionnant.
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